mercredi 1 janvier 2014

le meilleur c'est parfois la fin

aujourd'hui
les situations moyennes s'enchaînent qui me dépècent à vue d'œil
et je suis moche et je suis chauve et je pue la connerie et le deuil
et je ne suis bon qu'à mettre en rayon comme un zombie
et il n'y a pas assez de soda dans mon whisky
et Lorette m'envoie un trognon dans la gueule
la dernière fois c'était un trousseau de clefs
et c'était en pleine rue
et c'était pas Lorette

aujourd'hui
la solitude n'est pas qu'une pensée puisque la majorité a forcément raison
et pour faire plaisir faudrait que je me fasse vraiment mal
ou que j'écoute un peu plus de rap ou de métal
ou que je consulte enfin un psy

aujourd'hui
il n'y aura personne pour venir me caresser
et même si je me déguisais en gentil toutou
personne non plus pour me signaler que j'ai de la morve sur mes lunettes
personne non plus pour essayer de comprendre un minimum ce que je dis
et je suis passé en un éclair de gros zamour à gros connard
et l'hôtesse de caisse ferme juste au moment où j'arrive
l'hôtesse de caisse qui me confond avec un agent de sécurité

aujourd'hui
je me sens chez moi quand ma fiancée n'est pas là
ma tête est pleine de mesquineries et de calculs
et les enfants le devinent qui me trouvent archinul
et comme ami je ne suis pas très fréquentable
et comme cousin je ne suis pas très présentable
et comme fils aîné je ne suis pas très convenable
et l'appartement chlingue et mes godasses grincent
et il y a deux repas de famille à s'enfiler
et le meilleur de ce film pourtant encensé
et le meilleur de ce film pourtant plébiscité

le meilleur de ce film putain c'est le générique de fin

Los Angeles


Tétralogie de Bruce

et donc je fais la connaissance de
Bruce
concierge manager dans une résidence à Los Angeles
Bruce
la petite cinquantaine bien cramée
Californien et fier de l'être
toujours prompt à exhiber sa carte d'identité le prouvant
toujours certain d'être dans son bon droit
1m90
un futal de charclo
des grosses grolles de chantier complètement explosées
un chandail épais quelle que soit la saison
le genre de lascar à qui on ne demande pas l'heure
le genre de lascar qui adore susciter l’intérêt
le genre de lascar qui n'en a rien à foutre de personne
il n'a jamais aimé l’école
ça non
il a toujours aimé traficoter
ça oui
ok Bruce
à plus

Ramsay Midwood Loopers

bonne idée que d'être gentil sans être trop lâche


bonne idée que d'être gentil sans être trop lâche
bonne idée que d'être employé sans trop se soumettre à la fonction
bonne idée que de ne pas trop se laisser défigurer par la mesquinerie
bonne idée que de ne pas être trop poli avec la hiérarchie
et d'avoir pris du Ramsay Midwood pour la bagnole
et de surfer sur une longue vague de feux verts
et de profiter de l'absolution du soleil couchant
à fond mais lentement
et en plus il y a le rire de ma petite sœur partout
et en plus il y a une place de parking qui échappe au racket de la municipalité
et en plus c'est déjà l'heure de l’apéro dans ma vie de branleur
et en plus c'est déjà l'heure des heures magiques
et en plus dans le célèbre square derrière la célèbre place
je croise la célèbre Gaëlle
et en plus elle m'offre une fleur passque c'est moi
et en plus elle m'offre une fleur sous le regard torve de tous ses amis imposables
et en plus je couve quelque chose qui fait rêver mais pas dormir
et en plus je couve quelque chose qui résout des trucs graves avec des trucs légers
bonne idée que d'être gentil sans être trop lâche
bonne idée



McLusky - Lightsabre Cocksucking Blues

c'est vide et c'est beau comme un voyage chiant entre deux étoiles mortes

ce monde stupide est plein de symboles
ma petite sœur se sent seule et pourtant
elle ne veut voir personne et pour une fois
elle ne connaît pas de proverbe à la con pour exprimer ça
ma petite sœur refait son chignon-tortillon
ma petite sœur fouille dans son sac comme un marsupial dans sa poche ventrale
et l'infinie finesse du moindre de ses gestes fait carrément kiffer les fées
ce monde stupide est plein de symboles
quand il y a trop de monde ma petite sœur imagine
que les gens sont des arbres et qu'elle se promène en forêt
et s'il n'y a personne c'est pas le style à rester prostrée dans le noir
à regarder la télévision
à faire de l'électro-musculation
à fumer des plantes ésotériques
à attendre que ça passe
que la pâte à bois et que la caravane passe
non son truc c'est plutôt de faire le ménage habillée en salope sexy
de faire la vaisselle en écoutant du Vivaldi
et de passer l'aspirateur en écoutant du McLusky
en espérant que tout ça puisse aussi nettoyer son âme
ce monde stupide est plein de symboles
le vieux sperme passe dans la pisse
les vieilles larmes dans les sourires
et ma petite sœur sourit
et son sourire fait des étincelles
et ses yeux font du feu
les mêmes yeux que ceux du petit chaperon rouge
qui a mangé du loup au lit et pas qu'un peu
le même feu qui brûle mais qui réchauffe
ce monde stupide est plein de symboles



errer me muscle

errer me muscle

mon rasoir c'est mon peigne
mon cafard c'est mon chien
ma fiancée c'est ma main
ma gueule c'est une gare
ma femme c'est une garce
mon hamac c'est le tarmac
mon blog c'est mon jardin
mon bureau c'est ma besace
mon voisin c'est un nain
ma télé c'est la fenêtre
mon canapé c'est un canoë
ma collègue c'est une catin
ma maison c'est une prison
mon cousin c'est un fion
cette fille c'est un garçon
et zéro c'est pas rien
et zéro c'est pas rien
Heptanes Fraxion c'est mon nom
ouais
et errer me muscle

mes cheveux c'est mon bonnet
le couple c'est la corvée
la lune c'est mon soleil
mon parebrise c'est un écran plat
le brouillard c'est un film noir
ce parking c'est un lac
ce banc c'est un bar
l'espoir c'est du feu
l'air c'est de la beu
l'ennui c'est un jeu
mon père c'est mon père
le champagne c'est de la bière
le vin c'est un vaccin
la ville c'est une île
l'hypocrisie c'est de l'huile
ce garçon c'est une fille
et zéro c'est pas rien
et zéro c'est pas rien
Heptanes Fraxion c'est mon nom
ouais
et errer me muscle

rue


ici c'est bien

ici c'est bien
tellement bien que je fais la gamine
dans les résidences sous videosurveillance
tellement bien que je commence à sentir le bar-tabac
et non plus les conversations fétides de mes proches
tellement bien que je ne me défends plus de rien
même pas d'être un peu trop salope
même pas de faire attention à ne pas trop t'aimer
tu le sais toi,pourquoi je fais toujours ça ?
pourquoi tout ce qui est beau j'arrive pas à le parler
excepté quand des cocktails phosphorescents m'électrisent dans la piscine
ma putain d'envie de toi c'est tout ce que tu veux mais c'est pas romantique
excepté quand je t'évoque en remuant mes pieds
sous la table de la cuisine ...
penses-tu à bien fermer la porte ?
mets-tu les volets à l'espagnolette ?
es-tu prés de moi alors que ma peau t'échappe ?
dans les toilettes fortifiées par le frais et par le calme
je relis ce que tu m'as écrit
et je me demande de quelle tranchée ça vient
et je te cherche sous des nuages épais comme des éléphants
et je veux encore des nuits blanches où tu me perces à jour manu militari
et je veux encore des dimanches pourris à faire des cabanes sur le lit
et je veux encore te souffler de l'eau de mer dans les bronches
jusqu'à te couper le souffle
jusqu'à te faire rêver la tronche
beaucoup passionnément
et t'embrasser tu sais comment
jusqu'à la dernière goutte


et ça éclaire des endroits loin dans la nuit

peu importe qu'il y ait condamnation ou relaxe
tant qu'elle ne se prononce pas sur mon cas
elle me malaxe la carcasse
jusqu'à ce que la notion se perde
que l'intime conviction se fasse
et merde
j'étais pourtant prévenu

elle selon certains témoins c'est la mort en marche
dont les tétons pointus sont plus terribles que la vérité
elle selon certaines sources c'est une pute qui rend cinglé
à force de feu à force de classe
tous ces produits-phares qui crament des trucs malades
la tumeur dans mon âme et la crasse dans mon crâne

et dans son jus je finis en soleil
et dans cette lenteur inouïe
ma tête trempe aussi
et l'angoisse devient ensoleillée
gueulante d'amour
et ça éclaire des endroits loin dans la nuit




produit dérivé


le jeudi souvent je dévie (1)

le jeudi souvent je dévie
souvent je divorce
souvent je bifurque
souvent sciemment
je déserte je dérive
je traîne entre les traits
je m'arrache aux données
je ne vise pas le titre non
j'erre au casque à la limite
seul sur mon aile
léger sur mes appuis
léger comme jamais
légèrement alcoolisé
légèrement épris
légèrement hors-jeu aussi
les pigeons mangent du vomi
les michetons ont des envies
les filles elles sont sous cachetons
le ciel atterrit
personne ne m'a trahi
mais il n'est que huit heures et demie
le jeudi souvent je dévie


Montréal (1995)





1995


grosse barbouze gros cheveux grosses lunettes noires
tonsure naissante et perfecto
maigre comme un chat bouffeur de lézards
gentiment dealer parfois ramancheur
bluesman à l'occaz
Albert vient d'acheter une bouteille de Porto
qu'il compte offrir au vieux Manolis
pour remercier çui-ci d'avoir accueilli dans son bar la soirée d' Halloween

devant l'épicerie c'est la routine
deux juifs hassidiques encombrés par leurs sacs à provisions
et leur intégrisme à la con
sont terrifiés par un petit clébard tranquillement posé sur son cul impur
et tout aussi tranquille
et tout aussi posé
et tout aussi impur
un type sur un banc
leur gueule d'arrêter de faire peur au pitou avec leur superstition
un type sur un banc qui soit dit en passant
a gardé son déguisement de gorille pour lire son journal et fumer son bat

et en parlant de fumette Albert doit encore faire le plein de clopes
chez les contrebandiers de la réserve Kahnawake
et puis surtout leur dire au revoir
et au retour faire un léger détour pour ramener la Dodge à Catherine
et puis surtout lui claquer le bisou

mais asteur Albert profite
la compilation "HEY DRAG CITY" passe en boucle dans sa tête
tandis qu'il se grignote une part de pizza végétarienne
quelque part dans le quartier Mile-End
une pizzeria tenue par deux moustachus férus de patinage artistique

la neige se fait attendre en cette année de référendum
un ciel bleu incassable règne sans partage sur la ville de Montréal
et Albert sourit à ça
aux 360 degrés du ciel
aux princesses pornos
aux elvis nazis
aux yeux verts des brunettes alternatives
et à la fabuleuse lumière biseautée qui l'attend là-bas
sur la Grand'Route