mercredi 12 avril 2017

la petite cinquantaine

la bouffe t'a déçu 
pas le vin
tu ne sais pas si tu es complètement défoncé
ou totalement serein
rhapsodie dans les rues où les nuages continuent de traîner

il fait nuit

tu as vieilli
tu as pris du bide
tu as beau collectionner les couteaux 
tu ne supportes pas la violence
sauf dans les films
surtout si ça se passe en Corée du Sud et qu'il y a des femmes à poil
tu sais réparer tout un tas de choses 
mais ce soir ça va pas t'aider

t'es un genre d'inspecteur sans enquête toi

ou alors enquêtant sur lui-même sans même le savoir 
ton cerveau a l'air de se décongeler depuis quelques mois
des trucs te reviennent 
des trucs qui doivent rester dans la famille 
des trucs que subissent parfois les petits garçons 

brouillard dans ta barbe

brouillon dans ta tronche

semaine 14

ciel profond soudain que le revêtement stratifié du sol où depuis une semaine je laisse traîner mélancoliquement 
les miettes de notre dernier petit-déjeuner 
à Gwenn la gouine et moi
poussières de céréales et particules de fruits secs
que je contemple comme autant d'objets célestes
 

je lui écris une carte-postale
tu me manques grave
petite pute

bisous 

désolé
la bouche de dieu ne m'a pas détruit en m'asphyxiant dans un degueulis d'arc-en-ciel
par contre
je me suis fait méchamment percuté par le semi-remorque de moi-même
discrètement je mange mes larmes


soleil couchant sur les tuiles faîtières
je repense à Mademoiselle Moustache
se gratifiant d'un 69 sans l'aide de personne


inexorable semble être le mot du jour
un vieux monsieur aux cheveux aussi noirs que ses yeux sont bleus
a l'air de me suivre où que j'aille dans les rayons de la supérette
c'est inexorable
il me dit
tout ce qui est utile à la beauté a tendance à disparaître ces temps-ci
il me dit


et pendant qu'inexorablement la lune s'éloigne de la Terre
Adrien Rady sort son dernier recueil de poèmes qui s'appelle Mon nom est mon ombre

son dernier recueil qui sera gratuit jusqu'à la caisse
son dernier recueil avant le prochain

dimanche 9 avril 2017

Kinski


post scriptum (à Séverine C.)

beaucoup de passage
beaucoup de travaux
et moi qui m'excentre en loucedé
au milieu des courants d'air gothiques et des épices passionnantes qui me font en même temps
et froid dans le dos et chaud au coeur


tel un portrait-robot
je me la joue comptemplatif sur la plus célèbre volée de marches de la ville 

où les jours rallongent maussades et frais

à deux pas
dans les laveries automatiques
les dernières machines sont en train de tourner
le printemps sent la pizza et la fosse septique


sur un banc en pierre
deux gratteux taquinent grave en jazz manouche
un clochard apprécie
rescotche sa godasse et invite son chien à gincher 


au sortir de la boulange
une petite nénette regagne ses pénates en portant dans ses bras un gros pain comme elle porterait un nouveau né
ou alors tout le poids du monde des mammifères


le long du Canal
des bâtiments délabrés depuis des années
le long du Canal
des boîtes à la mode et des histoires de sperme noir
ça booouge dans le Sud mais rien ne change


post scriptum
c'était pas si mal pour une journée de merde
merci de m'avoir accompagné
photo Séverine C.