jeudi 1 juin 2017

permaculture dans les cimetières

c'est bien nous ça
comme neufs
comme hallucinés du cadeau de nous-mêmes
dans les rues vides de la sève violette
ou à l'hôtel comme des héros en levrette
partouze à deux



c'est bien nous ça
souffrant d'un joyeux syndrome
foutre de cheval à gueuler partout dans la gare glacée

ou dans le fameux cabaret à larynger nos bluettes punkoides avec l'alcool de nos ventres
avec la sauce de nos souffles
ou dans le calque des souterrains parsemés d'étoiles cruciformes


nous affamés sur la route
sur les roues
sur les rails
derrière la baie vitrée du restoroute
au chaud
à se plaire dans l'écrasé de pommes de terre et de la connexion mentale
et du poulet grillé
et de tout l'or de l'orgasme vaginal 


toute une journée comme ça
contre la montre
dans le contre-jour enfumé
à bisouner nos verges à la base
et à jouer le contre dans la neige ensoleillée
joue contre joue dans des aires d'autoroutes absolument désertes
le lundi
en revenant de Lyon ou de la lune
dans la féerie de l'industrie lourde

et dans la féerie de l'enculade 

c'est bien nous ça
morts de rire en sanglots
avec le sang au volant de l'évidence qui berce nos poitrines
euphorie à faire foisonner le piano de nos poumons fatigués
euphorie
malgré les trains à prendre au vol et les dates butoirs qui nous cassent déjà la gueule


nous déjà mélancoliques car déjà périssables
et donc absolument parfaits pour ça
pour se pourlécher la lisière comme des ours emmitouflés sur la banquette arrière
à se faire des trucs purs
à se faire des trucs salaces

à se faire les seins super pointus
à se faire les os super légers


moment m
instant t
à se dire au revoir la bouche pleine de buée
avec nos voix de roues voilées
nos voix d'oiseaux tombés du ring


c'est bien nous ça
à l'ouest de rien
à attendre que dalle
c'est bien nous
permaculture dans les cimetières

dimanche 28 mai 2017

adventices

dimanche midi
d'un coup la terre s'est aplatie
d'un coup la mélancolie est un poison qui soigne

restaurants aux noms ronflants

connards agressifs en terrasse
leurs pantalons repassés le prouvent
cerveaux confits par le vin rouge
le bide pété par les cèpes et le foie gras poêlé 
ils ne changent pas
ils se trouvent sexy
ils ont toujours plein de projets
ils ont bien raison

à la laverie 

en attendant que se finisse ma lessive
je discute avec un vieux qui m'explique sa passion pour les montres à gousset
il déplore également le fait qu'il n'ait pas de petits-enfants à qui transmettre ça
c'est fini les enfants il me dit et je sais que vous savez 
ça se voit il me dit
vous avez coulé tout ça dans une chape de béton mental à cause de votre enfance à vous

à part ça il lit Platon dans le texte


à part ça il vote extrême-droite


à part ça il me trouve bel homme 


en tant que directeur des ressources humaines

dieu est un gros déconneur 
je me dis des fois

et puis personne n'échappe vraiment à sa propre caricature

je me dis aussi

et puis rêve en sursaut dans un puissant parfum de mauvaises herbes que la pluie cuisine


tartes soupes beignets 

petite pluie fine exactement comme j'aime

matricule

poète professionnel
papy exhibos
salope du subjonctif
vendeuse de rêves en mousse
Bruce Lee du futur
schizophréne alcoolique en équilibre sur la rambarde du 16 ème étage 

tout le monde se touche
tout le monde te raconte sa vie


t'es chez toi
t'es tout seul
t'es à l'hosto

t'es en prison
t'es dans ta famille
t'es dans ta bagnole
tu aimes la bière
tu aimes les filles
tu aimes ton prochain mais pas ta voisine
tu manges passqu'il faut
tu n'as plus du tout peur du vide
passque le vide c'est là que tu vis
 

mignonnettes de pastaga dans les jardinières
matière fecale sur les poignées de porte


en vacances 
la police te confond avec un proxo local 
tu passes 24 heures en gardav'

t'essayes de te faire pistonner par ton ex à qui tu n'as pas téléphoné depuis trois ans
elle t'annonce qu'elle est enceinte
et qu'elle va bientôt être maman
et elle te raccroche à la gueule


une nana obèse en nage est persuadée de te connaître de chais-pas-où
tu lui dis que tu bosses ici depuis 20 ans
elle te répond d'un air soupçonneux
oui mais même


les films bouleversants t'ensuquent 

le secret c'est qu'il n'y a pas de secret
la polyvalence c'est juste l'autre nom du sous-effectif

au large la mer fait des morts
et les bactéries extraterrestres qui ont jadis ensemencé l'eau des volcans te font grave rêver


tu es tellement patient
que tu n'as plus besoin de psy


l'aurore se casse
l'aurore s'éteint comme le cul d'un bon vieux joint
tu t'appelles 4182

et le soleil te pue

jeudi 18 mai 2017

photo SC 

arbalète

il tenait absolument à la rencontrer 
passqu'il aime sa présence
passqu'il aime vraiment sa poésie
passqu'il souhaiterait glisser son nom à l'oreille d'un certain  éditeur

il tenait à la rencontrer mais en toute amitié hein
"amitié" souligné deux fois 
passque maintenant il est marié tu comprends
passque maintenant il est papa

il trouve également qu'elle lui ressemble beaucoup 
lui aussi a su saisir toutes les opportunités du terrain

femmes de ménage
militaires
nous faisons tous partie du même cercle de lumière sur la terre humaine
il lui dit et disant cela 
il la prend par la taille 
et disant cela il appuie ostensiblement 
son pénis à lui contre sa hanche à elle
et elle 
elle a l'impression de choper un cancer 

deux heures pour rien
putain d'écrivain érotomane

la ville est très triste
élections sans surprise qui vont permettre aux  nouveaux élus de continuer à nuire aux électeurs

maintenant elle est défoncée

maintenant elle a faim
maintenant elle mange des frites qu'elle trempe dans un mélange mayo/ketchup

des jeux de grattage

des jeux et des applications de jeux
autour d'elle 
dans la cafétéria
des jeux transforment les gens en jouets
elle se concentre sur le ciel derrière le barreaudage
un ciel vide
un ciel sans oiseau
un ciel blanc qui fait ciller tout le monde
pas elle 
elle a une ligne de mi à bosser sur son nouvel ampli
et éventuellement une non-famille à fonder avec Manon 
elle se comprend
elle se sourit 
son soutif est une arbalète

samedi 13 mai 2017

c'est la viande qui fait ça

tu crois visiter et tu ne fais que passer
tu as un code
tu as un casier
tu as la chance de rencontrer des petites nanas sympas qui te montrent les gestes qui vont te transformer en robot


y a des émotions qui sont des chocs organiques 

y a des réactions terribles qui sont comme des crises 
y a des animaux qui s'arment de couteaux
 

tu veux pas être là
tu veux pas faire ça
tu peux pas partir
tu n'as rien d'autre
tu oublies
tu t'habitues aux sales parfums qui font fuir le sommeil quand ton corps est froid la nuit


rendement rendement
calcaire dans certains os qui en meurent


tu n'as pas le temps pour les enfants
tu n'as pas le temps pour lire le contrat moral
les petits secrets à garder par-devers soi
les astuces bien dégueulasses de la direction qui rigole de ses propres blagues 


blagues 
ça veut dire aberrations en vrai

les améliorations mécaniques qui aggravent les conditions de travail
c'est la viande qui fait ça 


la spirale infernale pour rentabiliser les investissements
c'est la viande qui fait ça 


les parts de marché gagnées qui au final font perdre de l'argent
c'est la viande qui fait ça 


et puis petit à petit ta tête s'éteint
tu regardes les chiffres
tu regardes les anciens
tu regardes le système des primes
et le cadre qui te bouscule exprès pour te faire disjoncter
et le délégué qui ferme sa gueule au lieu de faire remonter les infos à la médecine du travail


personne ici ne va jamais jusqu'au  bout
le jeudi tu deviens dangereux pour toi
dangereux pour toi et pour tes collègues
dangereux 

ça veut dire inapte en vrai

une vie que tu ne connais pas commence
brûlure bleue à l'intérieur

jeudi 4 mai 2017

flemme de tout


trois tasses de thé vert
une mandarine
une poignée d'amandes
une tartine de miel


je devais envoyer une attestation d'assurance à mon bailleur
finalement non
je devais fournir un relevé d'identité bancaire à mon assureur
finalement non


flemme de tout ça
flemme de tout


je passe sous la douche sans me laver
journée sans produit que je décrète

se passer de l'industrie
ça aussi c'est avoir de l'hygiène 


je vais aux arbres
peupliers en fin de vie le long de la piste cyclable
printemps pourri qui me régale
les nuages me traitent de branleur
les pâquerettes puent la haine raciale
tellement le ciel racle
j'ai les yeux en pierre


technique impeccable des corbeaux qui délirent dans le vent au ras des eaux temporaires
la solution est parfois dans l'énoncé du problème
je me dis
si je n'arrive pas à éviter les gens
au moins je parviens à les côtoyer sans les subir
je me dis


appelle-moi charogne

mercredi 12 avril 2017

la petite cinquantaine

la bouffe t'a déçu 
pas le vin
tu ne sais pas si tu es complètement défoncé
ou totalement serein
rhapsodie dans les rues où les nuages continuent de traîner

il fait nuit

tu as vieilli
tu as pris du bide
tu as beau collectionner les couteaux 
tu ne supportes pas la violence
sauf dans les films
surtout si ça se passe en Corée du Sud et qu'il y a des femmes à poil
tu sais réparer tout un tas de choses 
mais ce soir ça va pas t'aider

t'es un genre d'inspecteur sans enquête toi

ou alors enquêtant sur lui-même sans même le savoir 
ton cerveau a l'air de se décongeler depuis quelques mois
des trucs te reviennent 
des trucs qui doivent rester dans la famille 
des trucs que subissent parfois les petits garçons 

brouillard dans ta barbe

brouillon dans ta tronche

semaine 14

ciel profond soudain que le revêtement stratifié du sol où depuis une semaine je laisse traîner mélancoliquement 
les miettes de notre dernier petit-déjeuner 
à Gwenn la gouine et moi
poussières de céréales et particules de fruits secs
que je contemple comme autant d'objets célestes
 

je lui écris une carte-postale
tu me manques grave
petite pute

bisous 

désolé
la bouche de dieu ne m'a pas détruit en m'asphyxiant dans un degueulis d'arc-en-ciel
par contre
je me suis fait méchamment percuté par le semi-remorque de moi-même
discrètement je mange mes larmes


soleil couchant sur les tuiles faîtières
je repense à Mademoiselle Moustache
se gratifiant d'un 69 sans l'aide de personne


inexorable semble être le mot du jour
un vieux monsieur aux cheveux aussi noirs que ses yeux sont bleus
a l'air de me suivre où que j'aille dans les rayons de la supérette
c'est inexorable
il me dit
tout ce qui est utile à la beauté a tendance à disparaître ces temps-ci
il me dit


et pendant qu'inexorablement la lune s'éloigne de la Terre
Adrien Rady sort son dernier recueil de poèmes qui s'appelle Mon nom est mon ombre

son dernier recueil qui sera gratuit jusqu'à la caisse
son dernier recueil avant le prochain

dimanche 9 avril 2017

Kinski


post scriptum (à Séverine C.)

beaucoup de passage
beaucoup de travaux
et moi qui m'excentre en loucedé
au milieu des courants d'air gothiques et des épices passionnantes qui me font en même temps
et froid dans le dos et chaud au coeur


tel un portrait-robot
je me la joue comptemplatif sur la plus célèbre volée de marches de la ville 

où les jours rallongent maussades et frais

à deux pas
dans les laveries automatiques
les dernières machines sont en train de tourner
le printemps sent la pizza et la fosse septique


sur un banc en pierre
deux gratteux taquinent grave en jazz manouche
un clochard apprécie
rescotche sa godasse et invite son chien à gincher 


au sortir de la boulange
une petite nénette regagne ses pénates en portant dans ses bras un gros pain comme elle porterait un nouveau né
ou alors tout le poids du monde des mammifères


le long du Canal
des bâtiments délabrés depuis des années
le long du Canal
des boîtes à la mode et des histoires de sperme noir
ça booouge dans le Sud mais rien ne change


post scriptum
c'était pas si mal pour une journée de merde
merci de m'avoir accompagné
photo Séverine C.

mardi 28 mars 2017

un mec bien

un mec bien
très bien même 
et puis du bagage mine de rien 
du bagage mais pas d'esbrouffe
du bagout mais pas de blabla
un chignon rastafarien
des tatouages faits maison
un nez tordu
son père lui foutait sur la gueule
son enfance c'est foyer foyer foyer
et à 16 ans la rue
et à 20 ans l'armée
et puis des problèmes de nervosité
et puis des problèmes avec le modèle prédateur
et puis de nouveau la rue
et puis de nouveau les drogues dures 
et puis un choc anaphylactique
et puis pendant sa convalescence
un gros gros carton en bagnole
pas de permis
pas d'assurance
50 points de sutures sur le crâne
et puis cinq ans d'incarcération chimique
maintenant ça va
il a un métier
il répare des téléphones
et puis il va être papa
il y croit toujours pas d'ailleurs
faut qu'il annonce ça à Franck
son meilleur pote
un daron de chez daron 
un pompier à la retraite
et puis à Bruno le barbu 
un collègue toujours classe dans la picole
et puis à Nathalie une prof de SVT
une brunette qui a toujours été hyperbienveillante à son égard
mais pour l'instant il garde tout ça pour lui 
et se mate le ciel 
les grands sites du ciel à travers les caténaires et les flèches des grues
un putain de ciel
un ciel comme il les aime 
un ciel à pas se laisser niquer par le superflu