mardi 26 juin 2018


putain je sens que je vais encore oublier de rentrer chez moi (1997)



non non
il ne pleut pas
c'est moi qui pleure en souriant
alors la petite voix que je porte
continue de me parler comme si de rien n'était
mais toujours brûlante contre ma tempe
mais toujours loin du cœur
le plus loin possible d'ailleurs
le plus loin possible

c'est comme ça que je me retrouve comme un con
suspendu de mes fonctions
à faire des courts-circuits dans le jus de mon propre jus
des pertes plus amples de connaissance

d'un coup il n'y a plus aucun suspense
d'un coup il n'y a plus qu'une seule image
partout et fixe de face
la bouche armée de patience d'un calibre quelconque

va falloir que le cœur redevienne cet organe creux dans la poitrine
va falloir réagir quoi
tout en sachant que ça risque d'être encore pire

le rêve étrange continue
le rêve étrange continue

putain je sens que je vais encore oublier de rentrer chez moi
putain je sens que je vais encore oublier de rentrer chez moi
putain je

vendredi 22 juin 2018

grands cercles du ciel rouge


l'usine désaffectée a fait disparaître sa douleur
l'usine désaffectée
seul refuge possible après la visite de l'inquisitrice

ton père est un traitre
ta mère est une catin
joyeux anniversaire ma chérie
merci mamie
(putain de matriarcat)

il y a le lundi
le mardi
le mercredi
le jeudi
le vendredi
le samedi
le dimanche
et puis il y a surtout la direction du vent pour différencier les jours
et influencer les corps
(lenteur violente qui lui fait le plus grand bien)

elle qui est plutôt sauvage
elle qui est plutôt jolie
elle qui aime danser
elle qui aime se déshabiller
elle qui regarde dans les yeux juste pour voir

sa réputation est terrible
elle s'en fout comme de son premier tampon
elle s'amuse beaucoup
sûrement beaucoup trop
elle n'écoute pas les anciens
sûrement pas assez
elle ne fait pas de sport
elle ne va pas à l'église
elle se déplace uniquement en stop
elle ne prend pas assez soin d'elle
elle est mal
elle veut avoir mal
il lui est déjà arrivé de se réveiller en prison et elle ne parle pas forcément de cette planète

y a que les animaux qui lui redonnent son centre de gravité en fait
enfin pas tous
les animaux
les animaux qui nous nomment en secret
les animaux et non pas les gens qui se prennent pour des gens bien
anges sournois qui veulent contrôler l'incontrôlable
leur vie saine les rend insipides

travaille et rigole et tu gagneras toujours
contre la propagande que nous implante le gouvernement
lui dit le mec bourré au bar
le mec bourré qui ne veut pas se marier
le mec bourré qui aime les femmes mais qui préfère picoler avec ses potes
il porte un bouc
et des lunettes de soleil sur le crâne
(mais travaille et rigole c'est aussi de la propagande mec)

elle connait cette ville
les murs gagnent toujours
les zones grises maintiennent l'ordre en place grâce aux enfants de l'apathie que nous sommes
et c'est encore un hymne

elle est pauvre
elle en a marre qu'on lui mente
même si elle adore aller au cinéma
même si elle adore aller au stade
elle préfère plutôt nuire aux nantis
et faire saigner les spéculateurs
et c'est encore un hymne

grands cercles du ciel rouge au crépuscule

elle frime
elle tombe en silence
échardes en guise de cheveux
éclats de pierre en guise d'oreilles
les murs gagnent toujours
les murs gagnent toujours

les murs gagnent toujours
sauf ce soir


mercredi 20 juin 2018

chaleur du coeur alcoolisé


parait que t'as pas les bons muscles
(tes cousins oui)
parait que t'as pas de copine
(tes cousins oui)
parait que t'aimes pas les fêtes foraines
(tes cousins oui)
parait que t'as l'alcool fugueur
parait que t'en fais trop sur la galère et le crado
parait que t'as pas envie de travailler
parait que t'es né avec ce bracelet de bagnard
parait que paginer en poésie c'est ringard
parait qu'il faut que tu réapprennes à mâcher

Heptanes
putain d'Heptanes
putain d'Heptanes de merde
putain d'hispano-charentais
putain d'italo-alsacien
putain de juif irlandais
putain de toulousain pied-noir
tu aurais pu t'appeller Costanzo ou Weitlauff 
ou Becker ou Lavadera 
ou bien Yadner
et cette idée te met grave le sourire

le soleil fait rage en se couchant
au ras du fleuve qui court vite
l'eau est une leçon dont tu ne te lasses jamais
l'eau mieux qu'une réunion-bilan
l'eau mieux qu'un constat-reproche

pèlerinages sans destination
les rues savent où elles vont
qui sentent tantôt la vieille église tantôt le fauve
un train démarre
le vide hurle
les rues savent où elles vont
pas toi

ils te dégoûtent tous ces mecs qui sont là toujours à trainer
toujours en bande
toujours à brailler
toujours entre couilles
eux et puis les écorchés vifs professionnels aussi

grâce à la musique de Thomas le lycanthrope
la boue dans ta tête redevient enfin propre
et ta salive te repose

et ta salive te repose
et la pureté est un boulot salissant
qui ne te peaufine pas vraiment la peau 

la pureté est un boulot salissant
et tu continues tranquillement à te desquamer

au passage
tu prends acte des décisions unilatérales des élus concernant le quartier

au passage
les conseils des peigne-cul te font jouir

au passage
le type aux mille baguouses qui n'a plus qu'un poumon
te montre sa cicatrice
ainsi qu'une photo de lui en tant que figurant dans le prochain film d'Eddy Mitchell et de Pierre Richard
c'est merveilleux

le spectacle de marionnettes
le magicien qui sculpte des ballons
le gala d'aérobic
l'orchestre
les récompenses
la piscine à balles
la buvette
la bouffe réunionnaise
le dj disco
tout est sympa
tout est nul à chier

t'es rien
t'arrêtes pas de mourir
t'as la faim du fou qui fait ce qu'il ne faut pas faire
voisins qui jugent avec leurs bouches

les yeux se rincent
les yeux se collent
les yeux se rincent
heureux les yeux

tu devais boire trois bières
t'en bois treize
tes rêves te droguent
pas au point de te croire spécial

chaleur dans le cœur alcoolisé
t'as envie de te marier
mais tu vas te contenter de rester accessible aux surprises
aux péchés qui te rapprochent de dieu

chaleur dans le cœur alcoolisé
elle aime ta joie virile de cow-boy
elle te trouve complexe comme une aube naissante
elle veut que tu lui dises des trucs sales
elle te sussure quelque chose
ce qu'il nous faut c'est une bonne baise bien chiennasse
tu réponds rien
comme d'hab'
tu vas de l'avant en faisant du surplace

bétail que les jeunes qui se vieillissent
bétail que les vieux qui se jeunissent
bétail que les salopes de la ville
bétail que les artistes de la cambrousse

un panneau publicitaire
te propose d'accomplir l'incroyable
un révolutionnaire devenu flic également

tu ne t'habitues pas trop au servage que t'imposent les adultes modèles
dans leur véhicule multi convivial
leurs sourires réfléchissent déjà au moyen de te virer

tu crois avoir des visions en regardant le vent prendre forme
tu vas manger des cerises en entrée
et personne ne pourra t'en empêcher

répliques de merde dans les jeux vidéo qui nous flinguent l'imagination
scénarios de merde dans les films de science-fiction
qui nous survendent la guerre
toutes ces addictions pour ne plus penser à celle de respirer

soirée burnes
soirée bain de bouche au Ricard
soirée où elle est la seule meuf
soirée où les mecs se matent du porno
soirée où elle fait tout pour tomber enceinte
soirée où elle finit avec un coquard  

malaise
anxiété
sueurs froides
insomnies

tu tournes des pages et ça ne suffit pas
tu changes de livre et ça ne suffit pas
tu arrêtes de lire et ça ne suffit pas
alors tu donnes
alors tu jettes
alors tu brûles
après tout
zéro c'est aussi une quantité

tu redeviens ami avec ton ventre

t'es un mec du XXème siècle toi
les orages ne te déçoivent jamais
les pâtes au beurre non plus


lundi 18 juin 2018

euh et ça c'est qui (2001)


ah lui
c'est le mec qui m'appelle tout le temps et que je rappelle jamais
passque bref
mon utérus tourne à gauche comme une vraie petite brute
et ça perturbe Monsieur
on va dire que c'est un bon copain mais que c'est aussi un sale con
dommage
passqu'une bonne levrette bien claquée
ça aurait pu me guérir de ce putain de rhume
que je traîne depuis des semaines
mais comme je préfère être seule que frustrée
tu vois
je crois que je vais rester encore un petit peu malade
et tant pis pour l'ennui


tu vois
moi je sais pas trop ce qui est bien en général
ou ce qui est beau
mais l'avantage c'est que je commence à savoir ce que j'aime
et ce qui est bon pour moi
et c'est pas trop tôt tu me diras
tiens
ça c'est moi petite
au fait je m'appelle Véra
il parait que ça veut dire vraie


et c'est vrai que Véra elle porte ses cicatrices comme des bijoux
un peu comme une fée qui n'a pas eu de chance
une fée dégriffée
ce qui ne l'empêche pas de savoir super bien cuisiner
et c'est vrai que Véra elle sourit jamais et c'est pas pour faire style
c'est juste qu'elle a pas besoin de se déguiser ou à peine
elle a ce truc de presque joyeux et de quasi permanent
qui crève les yeux et le goût du malheur


Véra
je savais même pas que ça existait comme prénom
les abattoirs Toulouse

samedi 16 juin 2018

fête des pères 2


Christophe a arrêté l'école à 14 ans
Christophe est devenu agoraphobe
Christophe a été SDF pendant deux ans
et ça l'a libéré de tout en fait
de la souffrance comme de la compréhension
Christophe a un fils autiste
Christophe écrit passqu'il le doit
son écriture ne pue pas l'atelier
son écriture ne pue pas la résidence
son écriture ne pue pas l'éducation nationale
(simple avis)
oh
et il ne boite plus l'oiseau qui vient de s'envoler


papa Fraxion est content que je l'appelle
il s'est trouvé un petit boulot d'archivage dans son ancienne entreprise
ça lui évite de ressasser à longueur de journées
papa Fraxion est content mais il pleure comme chaque année car on est en juin
et qu'en juin 1956 son père fut assassiné sur le pas de sa porte pendant la guerre d'Algérie
et sa dépouille ensanglantée allongée dans la maison sur la table de la cuisine
il n'y avait pas de psy à l'époque
et un gradé est venu tapoter sur l'épaule de mon paternel (12 ans à l'époque)
pour le réconforter en lui disant
«le mieux c'est d'oublier tout ça petit »
bon
il n'a pas oublié papa
à part ça Inch'Allah
dès que les beaux jours reviennent il veut qu'on se fasse un barbeuk


Thomas le lycanthrope doit se refaire de la corne
Thomas le lycanthrope s'est brûlé les doigts pendant deux heures afin de me trouver cette super boucle basse/batterie
j'ai de suite trouvé le poème qui va aller avec
me tarde qu'on répète tout ça


Nathalie déteste le mot cohérence
et je ne peux pas dire que cela me surprenne


et moi je dis que gentil c'est pas une insulte
et moi je dis que les accents c'est pas des maladies
et moi je dis qu'on on est tous un peu ceinture noire d'auto-sabotage


(toujours pas de nouvelles de mon frère)

dimanche 10 juin 2018

fête des pères


Jim discute avec son amoureuse de la maternelle
je le chambre en lui disant que ça tombe sous le coup de la loi son truc
pas mal ta blague il me répond
Jim répond toujours «pas mal » 

quand il trouve ça bon

bouh ça va pas
Mireille trouve qu'elle a pris un sacré coup de vieux
sinon elle a passé de merveilleuses vacances au bout du monde avec sa fille de 26 ans


Nathalie est triste de l'élimination de son chouchou Novak Djokovic à Roland-Garros 
mais Marco Cecchinato (72 ème joueur mondial)
était tellement heureux alors ça va
elle prépare une pizza en râlant que je ne vienne pas au marché de la poésie
elle ne veut pas que je l'oublie
elle a trop de trucs à me raconter

Safia ne porte plus son alliance
elle préfère tailler des pipes que de rouler des pelles en ce moment
rouler des pelles c'est trop intime
Nathalie est entièrement d'accord avec ça

deux mamies pomponnées me demandent si c'est la pluie qu'on entend
non c'est la guerre je dis
ça les fait marrer

(toujours pas de nouvelles de mon frère)

vendredi 8 juin 2018

sine die


il pleut
il pleut comme si personne ne devait plus jamais revoir le soleil
il pleut tellement que même sous la mer il doit pleuvoir
y a pas la mer ici
y a une galerie marchande où
les gens ont des têtes de gargouilles
(logique)


tu peux être heureux lui dit-elle
tu m'as détruite
légitime défense lui dit-il
je ne pouvais me laisser mentalement tuer par tes blessures d'enfance


histoire passionnelle qui ne pouvait pas faiblir sans exploser
histoire passionnante qui te laisse totalement orphelin
tu chiales dans ta bagnole
et tu rates ta sortie sur la rocade

au moins t'auras vécu

les jours passent et un épicier se tire une balle dans le ventre avant de mettre le feu à sa boutique

les jours passent et tu voles une petite culotte dans le sèche-linge de la laverie automatique

les jours passent et des anarchistes pas espagnols délirent sous l'emprise de la drogue
merde à votre statu quo
merde à votre générosité
ils gueulent et les jours passent
un zonard crache sur des oiseaux


y a des problèmes auxquels on tient
(surtout le dimanche)


la reine du psychodrame continue de te haïr pour ne plus se haïr elle-même
dialogues avec les démons qui nous jugent la nuit


tu es le seul mec invité à cet anniversaire dans ce bar lesbien
soirée parfaite au sortir de laquelle
tu pars tenir compagnie à ta grand-mère
qui souffre d'une maladie neurodégénérative
ta famille se déchire salement autour de tout ça


paysages modifiés
même scène sous un angle différent


si je te dis ce que je pense
chuis un goujat
c'est ça ?
et si je te dis rien
c'est que je te mens
c'est ça ?
moments minables que la mémoire retient
elle est furieuse contre toi
la danseuse qui t'avait mis le cœur au carré
et pourtant elle a très envie de te revoir


l'absurdité c'est la base
l'enquête perpétuelle aussi
les entités primordiales sont vraiment là pour nous faire chier
alors on boit
alors on fume
alors on obéit

on croit tout contrôler
on parle d'honnêteté
on croit tout contrôler
on fait de la merde
on conçoit un enfant avec un mâle alpha et on se retrouve à élever des névroses


nous les singes de dieu
nous sommes absolument légendaires et pitoyables
nous les singes de dieu
nous suivons des règles sans y réfléchir
et nous éprouvons une étrange sérénité à y déroger quand l'occasion se présente


la planète s'amuse
comme une grosse enflure
grand scénario cosmique
permanence du génocide
sauf des fois lorsque des groupes d'influence décident d'agir en faveur des droits de l'homme et de l'environnement

enfin bref
y a des gens qui ne font rien et qui  t'expliquent exactement quoi faire
enfin bref
y a des poètes obscurs qui sont bien pratiques pour se réparer l'ego

d'un seul coup tout devient limpide
ta malédiction pourrait finalement devenir un boulot à part entière
tu reportes ta dépression sine die

lundi 4 juin 2018

psaume


c'est bien de le savoir dehors hein  
tout ce soleil qui nous attend
tout ce soleil que nous faisons languir
tandis que tu me commentes à poil sur le ventre le match de tennis à la téloche

et puis on boit des bières
et puis on interviewe les hirondelles 
dans ce ciel qui pèse des tonnes
cris cachés
bruits silencieux qui vont de zéro à cent

psaume des nuages qui nous font toute la nomenclature des robes
psaume des ânes sauvages qui se désaltérent à la source
psaume de la violence qui nous fait progresser

envie de dingue
envie de te bouffer le cul pendant que tu fumes ta clope à la fenêtre en m'expliquant la vie des voitures dans la rue en bas de chez toi 

nous on fabrique
nous on s'invente une plage pour se pencher sur nous-mêmes à quatre pattes
nous on se la refait la peau neuve décalottée
la cerise de la belle vie bien ouverte
où les mots sont à nouveau les mots
où les mots sont à nouveau nouveaux
où les mots sont comme qui dirait repulpés

je te fais les épaules
je te fais les yeux
je te fais la poésie
je te fais le col à la Sinatra comme tu me l'as appris
pour te faire rire bien sûr
pour te draguer bien sûr
pour t'aimanter la poitrine avec mon thorax et que roule encore l'autonomie de ton bassin

je réécoute ton clapotis et non pas les gens ironiques qui le sont par réflexe de ne plus ressentir grand chose
je réécoute ton clapotis brûlant qui me coupe et qui me cueille

en doublant des trains et des trains de camions sur l'autoroute
je pense à nous
je me travaille un téton pour éviter le vide

vouloir politiser la musique
c'est comme psychanalyser la levrette
un truc vain

renforcement musculaire au poids de corps
en mode taulard de bon matin 

en mode tarlouze l'après-midi
je sue donc je suis

et je vais rester sale 
et je vais m'aérer la tronche
et je vais cultiver mon esprit mais sans  oublier d'aiguiser mon couteau

la ville ment mille fois moins que la foule qui rêve ce soir
et penser ne fait pas avancer les cailloux