mardi 20 mars 2018


uchronie (à Jim)

quand tout va bien la résilience ne profite à personne 

un mec tape comme un fou à toutes les portes de ton immeuble à trois heures du matin
c'est pas Charles
c'est pas Maxime
c'est pas Pauline
c'est l'ex de ta voisine
un chaudronnier-soudeur qui a tâté de la boxe pieds-poings
un mélange de Paul Verlaine et de Sam Peckinpah
pas de combat pour lui depuis quatre ans
et le dernier fut largement perdu

les flics l'embarquent
tandis que tu te rendors

tu rêves et ça manque encore de son bleu de rousse à elle
tu rêves et ça manque encore cruellement d'infirmière coquine qui piloterait doucement ta masturbation

en apprenant à ne plus juger tes émotions
tu rates une nouvelle fois ton rendez-vous chez l'ophtalmo
péripétie supplémentaire dans ta vie de merde

tu t'essaies à l'écriture à quatre mains
mais c'est définitivement pas pour toi ce truc de gonzesse en quête de fusion affective

tu t'essaies à la méditation transcendantale
au bout de 30 secondes
tu visualises une piscine de femmes
fontaines
et dans la foulée tu roules ton troisième bédo de la journée
et à la première bouffée tu deviens complètement débile

les gens ne te veulent aucun mal
les gens ne te veulent aucun bien non plus
lampe-torche que leur indifférence
lampe-torche avec laquelle tu éclaires ton propre chaos

tu laisses la fenêtre de ta chambre ouverte
flocons de neige que le vent dépose sur ton lit
flocons de neige à Prague également
paraît-il

tout arrive
compliments de Cirroco Jones qui trouve dommage que tu sois un mec

tout arrive
tu passes un entretien dans une grande entreprise pour un boulot de bureau

le responsable te demande si tu es véhiculé
tu lui rappelles que tu es sans ressources

si vous êtes courageux et que vous ne faîtes pas de syndicalisme
vous aurez bientôt une voiture
il te dit ça avec ses dents

et plus beaucoup de temps pour vivre bien sûr
tu lui réponds ça avec tes sourcils
fin de l'entretien

tu bois un café dans la salle de pause qui pue trop la prison
murs beige
bancs en acier
unique fenêtre à barreaux donnant sur un mur de tôle
tu comprends soudain comment doivent être  considérés les employés ici

tu coupes à travers le parc
la nature te nettoie
tu chopes le métro de justesse
le moule-minou sur lequel tu tombes
c'est un peu d'adrénaline pour toi binoclard

exil dans la cafétéria
où des ufologues parlent d'échangisme et de secte naturiste

exil dans la cafétéria
où maman déprime
tandis que papa picole
rumination contre gêne guerrier

une mère de trois enfants engueule une famille nombreuse
arrêtez de tout dégueulasser
elle leur dit

ça te fait penser que toi-même
tu n'as presque plus de famille
tu gardes un bout de sandwich pour le chien errant qui traîne toujours sur le parking
toi aussi tu traînes comme une âme en peine

il n'y a pas d'issue
pas ici en tous cas

printemps de camping-car
printemps à boire de la sous-marque en sous-vêtements
printemps à trinquer en l'honneur de la pluie

pour certains tu es un psychopathe prosocial 

pour d'autres un bipolaire dépressif

simple constat
ton astrologue t'aide beaucoup plus que ta psy
par exemple tu découvres que tes limites peuvent aussi créer des possibilités
et ça c'était pas prévu

ouais l'ami
y a pas d'âge pour apprendre

ouais l'ami
l'espace ne s'arrête jamais